[Interview] Alexandre Deydier, Bertin Technologies

Dans le secteur primaire, la réalisation d'un audit énergétique industriel est essentielle pour identifier les pistes d’amélioration des performances et les différents leviers d’économies. Alexandre Deydier, responsable activité performance énergétique industrielle chez Bertin Énergie Environnement, nous en explique toutes les spécificités.

Sommaire

1/ Quel est votre rôle au sein du groupe Bertin Technologies ?

Le groupe Bertin Technologies a 60 ans d’existence. Son cœur d’activité est l’étude, le conseil et la fourniture d’équipements à forte valeur ajoutée ainsi que le développement de solutions technologiques pour le compte de tiers. Il compte aujourd’hui 620 personnes pour 100 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Nous intervenons à toutes les étapes du cycle de l’innovation, de la R&D à la livraison d’équipements et de solutions complètes. Et ce, dans 3 domaines d’activité :

  • les systèmes et l’instrumentation ;
  • les technologies de l’information ;
  • l’énergie et l’environnement.

Ce troisième département est géré par Bertin Énergie Environnement, une branche du groupe composée de 80 personnes pour un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros.

J’officie au sein de ce département en tant que responsable activité performance énergétique industrielle. Mon rôle est de gérer la business unit « performance énergétique industrielle », que j’ai créée il y a plus de 2 ans. Le but ? Accompagner nos clients sur l’intégralité des phases d’un projet d’efficacité énergétique – à 99 % dans le domaine industriel.

J’ai une formation d’ingénieur-docteur en énergétique et procédés. Je suis ensuite passé au CEA (commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) pour faire du stockage d’énergie solaire. J'ai par la suite travaillé dans le domaine des chaudières industrielles, puis j’ai créé mon activité chez Bertin Technologies après avoir relevé un besoin sur ce marché. En effet, pour l’industrie, les opportunités sont énormes, car on vient toucher une partie du process industriel qui n’est pas le cœur du business (et donc pas toujours une priorité en soi).

2/ Quelles sont les spécificités de l’audit énergétique dans un contexte industriel ?

Le sujet est très complexe car on fait appel à des flux divers : on gère de la chaleur, du froid, de l’air comprimé… Ces flux sont interconnectés : l’un ne va pas sans l’autre. On doit donc combiner une multitude d’acteurs qui ne fonctionnent pas forcément de concert, alors qu’il y a des possibilités d’optimisations. Il faut être capable de jouer les entremetteurs et de comprendre globalement le contexte énergétique pour optimiser le système au global.

De plus, le domaine de l’industrie ne fait pas rêver les jeunes ingénieurs et il est difficile de trouver des interlocuteurs compétents dans ce métier.

3/ Les CEE font-ils faire de vraies économies d’énergie ?

Je pense beaucoup de bien des CEE car le fait de pouvoir obtenir un financement grâce à cette démarche permet à des entreprises de décider d’investir dans un projet. Exemple : lorsqu’on fait un dossier CEE de récupération d’énergie sur un groupe froid, il est possible de le cumuler avec un CPE (contrat de performance énergétique). En préparant bien son dossier, on peut arriver à un financement du projet à 100 %... voire plus !

Preuve en est, sur une opération d’isolation des points singuliers chez un industriel, on a pour nos clients un retour de 105 à 120 % de financement. Nos clients gagnent ainsi de l’argent pour mener une opération de rénovation énergétique. Une aubaine quand on considère qu’ils souhaitent optimiser leurs finances et leurs investissements.

On note que la partie financement dans petites entreprises (TPE-PME) est très importante : ces entreprises ont besoin d’investir mais n’en ont pas toujours la voilure financière. Dans ce cas, les CEE peuvent clairement constituer un vecteur d’accélération au niveau des investissements.

Il est difficile de déterminer à quel point les les CEE font faire des économies d’énergie. J’ai déjà vu des actions mises en place dans l’industrie pour lesquelles les entreprises touchaient des CEE sans pour autant enregistrer d’économies. Qui plus est, les dossiers sont longs et techniques : il faut bien choisir ses intermédiaires et faire appel à des personnes qualifiées pour les porter.

4/ Pourquoi le gaz naturel est-il encore largement utilisé dans l’industrie ?

Le gaz naturel a toute sa place dans l’industrie et, selon moi, il va être très dur de le déloger. C’est une énergie constante, disponible en permanence, ce qui est primordial lorsqu’on doit faire fonctionner une industrie 24h/24 et 7j/7.

En termes de CO2 émis par MWh produit, les émissions sont plus faibles qu’avec d’autres énergies fossiles. Qui plus est, le gaz naturel se verdit. Même si aujourd’hui la majorité des industries tournent encore au gaz fossile, on voit de plus en plus d’unités de méthanisation avec des injections réseaux.

Il faut aussi parler de sa flexibilité : le taux de réactivité des équipements est très élevé, ce qui rend le gaz très facile à utiliser au quotidien. Cela n’est pas possible pour la biomasse, par exemple. Enfin, le prix du gaz naturel est très compétitif, ce qui en fait une énergie de choix pour les industries.

5/ On sait que le CO2 a un impact sur le prix du gaz : avez-vous des prévisions de ce côté ?

La tendance est claire et soulignée dans le Green Deal Européen : l’impact du CO2 sur tous les vecteurs énergétiques va devenir de plus en plus fort. Par exemple, en Suède, on est déjà à 100 € la tonne de CO2. En France, la tonne tourne autour des 23 €.

Dans l’impact prix d’un projet, il faut donc absolument prendre en compte l’impact du coût du CO2. Nos prévisions en France sur 2030 se situent à peu près entre 50 et 100 € la tonne.

6/ Existe-t-il d’autres mécanismes qui permettent d'optimiser la performance énergétique industrielle ?

Pour mettre des mécanismes d’économies d’énergie en place, il faut savoir comment on les finance. Mais ce financement ne doit pas bloquer la compétitivité industrielle, notamment face à des concurrents étrangers qui n’ont pas les mêmes contraintes. C’est là la force des CEE, car on demande à des entreprises aux revenus élevés de payer pour ce dispositif.

D’autres mécanismes existent pour porter la transition énergétique – on pourrait notamment évoquer le Fonds chaleur ou les appels à projets mis en place avec l’ADEME… L’idée est de ne pas créer de mécanismes trop contraignants pour les entreprises, sans pour autant tomber dans l’assistanat.

Efficacité énergétique et gaz vert : êtes-vous au point ? 

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