Commission Stern-Stiglitz, vers un « corridor de prix carbone » ?

Le prix du carbone, voilà un sujet qui revient régulièrement sur le maGAZine. Trop bas, il empêche le système des quotas carbone européen d’atteindre ses objectifs, tant économiques qu’environnementaux. C’est pourquoi de nombreux spécialistes ont planché sur une optimisation du mécanisme… sans trouver la formule magique jusque-là. Or, une commission spéciale s’est récemment intéressée au sujet. Sa conclusion ? Un "corridor de prix carbone" pourrait sauver le système des quotas. Décryptage.

Sommaire

Commission de Haut Niveau, kézako ?

La "Commission de Haut Niveau sur les Prix du Carbone", soutenue par le groupe de la Banque mondiale, l’ADEME et le ministère de la transition écologique et solidaire, s’est ainsi intéressée à son tour à l’optimisation du système des quotas. Cette organisation a été créée lors de la 22e Conférences des Parties de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, sous l’impulsion des co-présidents de la Haute Assemblée de la Carbon Pricing Leadership Coalition (CPLC), Ségolène Royal et Feike Sijbesma. Rappelons que la "COP 22", le nom de cette conférence dans les médias, était organisée à Marrakech, au Maroc, en novembre 2016.

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Présidée par Joseph Stiglitz, lauréat du prix de la Banque de Suède en sciences économiques et Lord Nicholas Stern, composée d’économistes et de spécialistes de l’énergie et du changement climatique, elle avait pour mission "d’identifier des corridors de prix du carbone qui peuvent être utilisés pour concevoir des instruments de tarification du carbone et d’autres politiques climatiques, régulations, et mesures pour inciter à l’action face au changement climatique et stimuler l’innovation et l’apprentissage nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies".

Pourquoi mettre en place un corridor de prix carbone ?

L’idée de la Commission : "identifier des corridors de prix" pour mettre fin aux dérives du SCEQE (Système communautaire d’échange des quotas d’émission), est intéressante parce qu’elle fait le constat, implacable de l’avis de nombreux économistes, qu’il n’est pas possible de mettre en place un prix mondial unique du carbone. Les systèmes électriques, industriels et économiques seraient en effet trop différents pour que cela fonctionne. Ce qui aurait pour effet de tirer les prix vers le bas, rendant totalement inefficace le système dans son ensemble.

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Un corridor de prix carbone de 40 à 80 dollars par tonne… dans un premier temps

Que propose donc la Commission de Haut Niveau dans son rapport, rendu public à la fin du mois de mai 2017 ? Tout simplement que, compte tenu des "données provenant de l’industrie et des politiques pratiquées dans le passé, et de la littérature économique, en prenant dûment en compte les points forts et les limites de ces sources d’information", le corridor de prix carbone compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris en matière de température (maintenir l’augmentation de la température mondiale à moins de 2 °C) se situe entre 40 et 80 dollars la tonne de CO2 pour 2020 et entre 50 et 100 dollars la tonne de CO2 pour 2030.

Le prix fixé devra en outre tenir compte de plusieurs éléments :

  • les bénéfices non liés au climat (comme l’utilisation des revenus) ;
  • le contexte local (industriel, économique ou encore social) ;
  • la politique économique générale ;
  • les coûts d’ajustement ;
  • la répartition des impacts ;
  • l’acceptabilité sociale et politique…

"Il est souhaitable que la gamme des prix selon les différents pays se réduise dans le long terme, à une échelle de temps qui dépende de nombreux facteurs dont les soutiens et transferts internationaux et la convergence des niveaux de vie dans les différents pays", précise encore la Commission.

Un nécessaire accompagnement vers les énergies renouvelables

La Commission n’a pas uniquement abordé le volet économique du prix du carbone. Elle en a en effet profité pour rappeler que cette tarification devait impérativement s’accompagner de mesures ayant pour objectif de promouvoir l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, l’innovation, les avancées technologiques, et les investissements sur le long terme dans des infrastructures durables, afin d’accompagner la population "dans la transition vers une croissance sobre en carbone".

"La seule tarification du carbone peut ne pas suffire à induire des réductions d’émissions à la vitesse et à l’échelle requises pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris, et peut devoir être accompagnée par d’autres politiques bien conçues visant différentes défaillances de marché ou du gouvernement et d’autres imperfections, souligne ainsi la Commission. Une combinaison d’instruments de politique climatique sera probablement plus efficiente et attrayante que l’utilisation d’un seul instrument."

Que pensez-vous de l’idée d’introduire un "corridor" de prix carbone ? Quels seraient les impacts d'une telle mesure sur votre activité ? Prenez la parole dans l’espace réservé aux commentaires !