[Interview] Le gaz naturel pour véhicule – Alexandre Bouchon

Le gaz naturel pour véhicule (GNV) revient sur le devant de la scène avec l’arrivée du gaz naturel liquéfié (GNL) cette fin d’année comme solution de carburant pour les transporteurs. Une nouvelle opportunité pour les conducteurs d’utiliser une énergie propre et économique en France. À cette occasion, nous avons contacté Alexandre Bouchon, Project Manager chez Gazprom, pour qu’il nous parle des perspectives du GNV sur le marché des carburants aujourd’hui.

Sommaire

Bonjour Mr Bouchon, pouvez-vous nous expliquer votre rôle, vos responsabilités chez Gazprom Marketing & Trading France Energy ?

Je travaille en tant que chef de projet au sein de l’équipe de Business développement en France.Je m’occupe principalement des nouveaux marchés GNL onshore à savoir, le GNL carburant pour le transport routier et le GNL combustible (communément appelé GNL porté) pour des industriels non raccordés au réseau de gaz naturel. Je participe également au développement de projets Hélium en Est-Sibérie.

Quels sont les avantages du GNV ?

Il faut tout d’abord savoir que le gaz naturel pour véhicule (GNV) ne concerne plus uniquement le gaz naturel comprimé (GNC) mais aussi le gaz naturel liquéfié (GNL). Quelque soit son état, gazeux ou comprimé, la molécule reste la même.

Le GNC est une technologie prouvée depuis de nombreuses années, disponible et conforme à des standards européens définis, alors que le GNL émerge tout juste en France, mais suscite déjà de nombreux intérêts, que ce soit de la part des transporteurs, ou des industriels et communes non raccordés au réseau. Les avantages du gaz naturel carburant sont multiples : écologique, économique, sûr et silencieux. Sous sa forme liquéfiée, le gaz naturel a une densité énergétique plus élevée à volume égal, ce qui lui permet de fournir une meilleure autonomie aux véhicules et s’avère donc particulièrement adapté aux véhicules lourds.

Le GNV bénéficie d’une fiscalité favorable et est avant tout un choix économique pertinent qui doit permettre à son utilisateur de réduire ses dépenses par rapport aux carburants traditionnels. En outre, il a l’avantage d’être écologique puisqu’il permet de réduire les émissions de CO2 de 15 à 20 % par rapport au diesel, celles d’oxydes d’azote de 40 % par rapport aux normes Euro 6 et celles de particules de près de 90 % toujours par rapport aux nouvelles normes Euro 6. D’autre part, il convient de souligner qu’il a été remarqué une diminution de l’usure des moteurs GNV par rapport aux moteurs diesel. Les émissions sonores d’un véhicule au gaz naturel par rapport à un véhicule diesel sont diminuées de 3 à 10 db.

Quant aux inconvénients ?

Le véritable inconvénient est unique. C’est le manque d’infrastructures en France qui freine la demande et le développement de la filière. Par conséquent, le GNV s’adresse pour le moment aux flottes captives, ne dépendant que d’une ou deux stations, par exemple les bennes à ordures, ou les flottes de bus des municipalités ou des compagnies de transport. Néanmoins, il est à noter un fort intérêt des acteurs de la filière à développer le GNV et plus particulièrement le GNL carburant, et cela dans un contexte économique difficile pour les utilisateurs potentiels et où les préoccupations environnementales et sur la qualité de l’air sont au centre de l’actualité.

Les performances des moteurs aux gaz sur les véhicules lourds sont légèrement inférieures à celles des moteurs diesel, mais des améliorations significatives sont attendues dans les prochaines années.

“À l’époque du GPL, il n’y avait pas de prise de conscience environnementale (...), aujourd’hui les consommateurs sont amenés à réduire leurs émissions de dioxyde de carbone (...)”

Quelle est la différence entre le GNV et le GPL ? Et si on le compare au gaz de ville que l’on utilise en cuisine ou pour se chauffer ?

Le GPL est une autre molécule, un autre produit, qui se réfère à un mélange de propane et de butane. Le GNV est nettement plus avantageux, aussi bien sur le plan économique qu’environnemental. Il n’y a pas de débat possible dans le contexte actuel.

Concernant le gaz de ville, le GNC est comprimé ou liquéfié et le gaz utilisé pour la cuisine ou le chauffage ne l’est pas ; le produit est au final le même mais dans un état différent. Depuis 1 an, il est possible d’avoir chez soi, à la place d’une cuve de propane ou fuel à 3 GWh par an, une cuve au GNL plus écologique et moins coûteux.

Le GPL n’a pas été un succès, pourquoi serait-ce différent pour le GNV ?

Au moment où le GPL était « à la mode », il n’y avait pas de préoccupations environnementales aussi fortes qu’aujourd’hui, obligeant les décisionnaires ou les utilisateurs à réduire leurs émissions de dioxyde de carbone. La question primordiale pour un utilisateur se rapporte avant tout au bilan économique. Pour les décisionnaires politiques, le caractère « énergie propre » prime du moment que cela soit économiquement viable. À partir de là, nous sommes pragmatiques et nous avons de bonnes raisons de croire au développement de cette filière. D’ailleurs les sollicitations sur le GNV sont de plus en plus nombreuses ces derniers mois.

Enfin, il y a une prise de conscience et une envie des acteurs de la filière GNV, et plus particulièrement GNL, de développer ce marché en France.

Que manque-t-il en France pour que le GNV se démocratise ?

Le manque d’infrastructures, une nouvelle fois. La France est un « vieux pays » GNV, mais la filière GNC n’a pas vraiment réussi à se développer. Il est à noter que l’État a, par le passé, activement soutenu la politique de développement des constructeurs sur les petits moteurs diesels, ce qui a été un frein au développement de cette filière à l’époque. Dans tous les cas, il est nécessaire d’avoir un consensus des acteurs clés, aussi bien gaziers que constructeurs, et des politiques pour développer un carburant alternatif.

Sur le GNL carburant, nous avons de très bonnes raisons d’être optimistes. Le GNL se positionne comme l’alternative « unique » au diesel pour les poids lourds. Les transporteurs ont des marges très réduites, des contraintes environnementales toujours plus fortes et des taxes de plus en plus lourdes à supporter. Les premiers projets en France sont en train d’émerger progressivement.

Sur le GNC, nous sommes plus réservés en raison de la concurrence de l’électrique, davantage soutenu par l’État jusqu’à présent, mais nous croyons au développement de cette filière sur le long terme.